Israël ne saurait s’abstraire de l’éthique qui l’a constitué et qu’il a d’une certaine manière “léguée” au monde
« Pendant longtemps être sioniste et de gauche était une évidence », rappelle Brigitte Stora, auteur de Que sont mes amis devenus… : les Juifs, Charlie, puis tous les nôtres (éd. Le bord de l’eau). « Le sionisme lui-même était majoritairement de gauche et Israël s’est d’abord construit avec l’idéal socialiste des kibboutzim. Le sionisme dans ses composantes majoritaires était bien sûr un mouvement de libération nationale, une forme de “normalisation” de la condition juive, mais la dimension éthique était partie prenante, constitutive du projet. Ben Gourion n’était pas un religieux, mais il connaissait la Bible et en avait retenu le meilleur. Seule la justice sociale et humaine peut rendre la terre “sainte”. Elle seule peut répondre à la promesse divine. Les pères fondateurs n’auraient sans doute guère imaginé une société israélienne où le creusement de l’écart entre les plus riches et les plus pauvres est l’un des plus importants au monde ni une situation inique d’occupation d’un autre peuple qui se poursuit aujourd’hui depuis 50 ans… Le divorce que l’on observe de nos jours entre la gauche et le sionisme est une catastrophe pour chacun des termes, la gauche tentée par l’abandon des Juifs se renie elle-même. En France, la Déclaration des droits de l’homme a repris le symbole des Tables de la loi. Les Juifs depuis l’affaire Dreyfus font partie de l’identité d’une gauche antitotalitaire ancrée dans les valeurs humanistes, les Juifs font partie du combat des lumières. L’oublier, c’est aussi renoncer aux combats d’émancipation qui ont fait l’identité de la gauche. C’est céder à la tentation obscurantiste, qu’elle fut stalinienne dans le passé ou pro-islamiste aujourd’hui. Abandonner les Juifs, c’est aussi céder sur les droits des femmes, des minorités ethniques ou sexuelles, c’est consentir au pire. Non, Israël n’est pas l’axe du mal dans le monde et la haine d’Israël est de l’antisémitisme. Mais Israël ne saurait s’abstraire de l’éthique qui l’a constitué et qu’il a d’une certaine manière “léguée” au monde ».
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