George Bensoussan, ma réflexion

 Ce texte est paru dans la revue du mouvement juif libéral  Tenoua en avril 2017. Des propos injustes
 par Brigitte Stora

Je ne m’amuserai pas au nom d’un goût polémiste, bien dans l’air du temps, d’opposer au titre « non George Bensoussan n’est pas raciste », un démenti sur un homme.

Je n’ai pas l’âme d’un procureur et ne me permettrai pas de prononcer un verdict sur une personne.

Ce qui est jugé, ce sont des propos. Et ces propos je les réprouve.

Le premier, celui qui me semble le plus problématique et sujet à réflexions est cette phrase :
“Aujourd’hui nous sommes en présence d’un autre peuple au sein de la nation française, qui fait régresser un certain nombre de valeurs démocratiques qui nous ont portés ”.

Des amies, des proches qui, dans la douleur, ne reconnaissent plus leurs propre fils « radicalisés » ou leur fille  voilée, appartiendraient-ils à deux « peuples » différents ? Et de quel “peuple” sont issus les convertis partis faire le jihad ? Cette notion de peuple mérite peut-être de la nuance, hélas absente de ce jugement. Mais il y aussi, et c’est peut-être plus discutable encore cette référence à la nation française. Je connais les valeurs de la République, je suis plus dubitative envers celles de la Nation française qui, comme l’histoire nous l’enseigne, n’a pas toujours été porteuse de valeurs démocratiques. Loin s’en faut. Les mots comptent, les mots parlent. Je peux bien avouer aux lecteurs de Tenou’a et de la Bible, le trouble étrange que j’ai ressenti en lisant cette phrase, un trouble qui, souvent précède l’analyse, tout en la rendant possible et nécessaire. Puis je me suis souvenue des propos du méchant Aman à propos des Hébreux. « Il est une nation répandue, disséminée parmi les autres nations dans toutes les provinces de ton royaume : ces gens ont des lois différentes de toute autre nation » (Esther III, 8).

Bien sûr, toute ressemblance avec des personnages et des situations existants ne peut qu’être fortuite. Toutefois, il est des phrases qui résonnent parfois fortement à ceux qui acquiescent à l’injonction divine adressée au peuple juif « Tu te souviendras que tu as été étranger en terre d’Égypte ». Ce même « souvenir » devrait aussi nous faire lever contre les mesures de Trump… Mais cela est un autre chapitre.

Bref défendre nos valeurs humanistes, juives et républicaines face à ceux qui les menacent, ce n’est pas exactement la même chose que pointer un « autre peuple » et défendre le sein de la nation française…

Le sein, nous y voilà

L’autre phrase déchaine certaines passions et pour cause, il n’y est plus question du sein de la nation française mais de celui des femmes arabes…
« Dans les familles arabes en France, et tout le monde le sait mais personne ne veut le dire, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de sa mère ». Là encore, des psychanalystes, anthropologues et humoristes pourraient à loisir raconter le lien assez particulier que tout humain (et humaine) entretient avec le sein de sa mère. Dans la plupart des cultures, toucher à la mère, à ses seins, à son corps constitue l’offense suprême et les cultures méditerranéennes ne sont pas les moins chatouilleuses sur la question, c’est un euphémisme…
Pourquoi blesser ?

À ce propos mais je n’ai pas ici le temps de développer, il me semble que l’islamisme est un virus particulier, s’il a toutes les caractéristiques du fascisme, il a aussi des “atouts” qui lui sont propres, il vise ce lien toujours fragile et meurtri dans la culture arabo-musulmane entre l’intime et le collectif. La référence au sein maternel vient encore légitimer ce lien incestueux entre culture et nature.

Georges Bensoussan prétend citer un sociologue, Smaïn Laacher, lui-même d’origine maghrébine. Attestant ainsi d’un propos d’origine contrôlée, d’une « source sure ».
Mais Laacher a dit autre chose : « Cet antisémitisme, il est déjà déposé dans l’espace domestique. et il est quasi naturellement déposé sur la langue, déposé dans la langue. » Non, bien sûr, ce n’est pas la même chose.
Car si la culture se transmet aussi par la langue, elle ne passe pas dans le lait maternel.

La place d’où l’on parle est déterminante

Mais surtout ce n’est pas la même chose de parler de soi ou de parler des autres. Il me semble que la place d’où l’on parle est déterminante, l’énoncer est peut-être un premier pas dans une volonté d’objectivité.
L’autocritique n’est pas la critique des autres, les blagues sur les homos si courante chez les gays deviennent obscènes dans la bouche des hétéros. L’humour juif ne peut être retourné contre eux (pas plus d’ailleurs que la bible et ses prophètes)

George Bensoussan aurait pu user du « je » pour dire par exemple que les Juifs du Maghreb, dont il fait partie, sont un peu las de se prendre des pierres et des injures, que ce soit à Casablanca, à Saint Denis ou à Jérusalem et se demander s’il faut encore partir ! Cette subjectivité est légitime et peut s’entendre, mais l’historien s’abrite derrière une objectivité étrangement renforcée par une subjectivité qui n’est pas la sienne mais qu’il « dérobe » à l’autre en la retournant contre lui.

Je n’aime pas ce procédé qui me fait étrangement penser aux « cautions juives » des discours antisémites… (si c’est un Juif qui le dit).
Assumer sa subjectivité est à mon sens, la condition du courage, de l’éthique et du bien dire ….

En outre la « culture » est un mot lui aussi largement galvaudé, de nos jours, on l’emploie très légèrement, le plus souvent déconnecté de l’histoire. Des deux côtés d’un spectre idéologique finalement très étroit où les extrêmes finissent par se toucher, on “dénonce” ou on “respecte” avec la même logique essentialiste/raciste des « Cultures », considérées comme des identités fixes et éternelles que ni l’histoire ni la littérature ni la musique ne viennent confirmer. Cette souscription à la « culture immuable » oublie qu’il fut un temps, pas si lointain où les étudiantes de Kaboul de Téhéran et d’Alger se promenaient en mini jupe, où tout le monde écoutait Oum Kalsoum. Un temps aussi où l’antijudaïsme parfois violent du monde musulman ne s’inspirait pas encore des Protocoles des sages de Sion et de Mein Kampf que les Frères Musulmans se sont employés à traduire et à diffuser voilà moins d’un siècle.

Dire cela, ce n’est pas nier l’antisémitisme répandu dans le monde arabe. Cet antisémitisme a aussi une dimension culturelle et linguistique. J’ai moi aussi écrit et dénoncé « cette triste coutume du monde arabe qui fait suivre le mot « juif » (et parfois le mot femme) du mot « hachek », quelque chose comme « sauf votre respect » pour s’excuser d’avoir dit l’obscène. »

Toutefois c’est faire injure à beaucoup que croire et laisser croire que cet antisémitisme se transmettrait dans les familles arabes, si l’historien avait dit “beaucoup” de familles, l’éventuelle “minorité” en aurait déjà offensé, mais il s’est épargné la nuance. C’est dommage car cela devient une erreur et une faute. C’en est une autre que laisser sous-entendre une forme de déterminisme propre à ces « cultures-là ». On peut être issu d’une famille antisémite, y avoir baigné toute son enfance et le rejeter pourtant. Dans la famille Goering, il y eut deux frères, un salaud et un Juste nommé Albert, dans la famille Merah, il y en a un dont le nom sera effacé et son frère Abdelghani dont on doit se souvenir. Un nom comme celui de Mohamed Sifaoui dont l’odieuse mise en suspicion dans cette affaire ne fait que saborder un peu plus la fraternité. Le libre arbitre se dit dans toutes les langues, même en arabe.

Faire avancer les choses

L’antisémitisme est une plaie dans le monde arabe, il est comme je l’ai écrit à propos de l’antisionisme qui n’est souvent que le masque de l’antisémitisme un des noms du malheur du monde arabe. Il fait des ravages chez les jeunes et semble être un des leviers le plus puissants pour la « conversion » jihadiste. Il est temps de le dire et de le dire bien. Le « dire bien » ne relève pas d’un excès de prudence mais d’une volonté de faire avancer les choses. En face, hélas et partout se lève une étrange défense de la « liberté d’expression » brandie de plus en plus souvent par ceux qui, voulant s’affranchir de la nuance, s’épargnent aussi de penser. Les mots qui blessent, qui essentialisent, qui assimilent nous font du mal à tous, nous dressant les uns contre les autres, sommés de faire front, dans une concurrence de communautés et de mémoires plus dangereuse que jamais.

Pour ma part, je condamne ces paroles car elles font régresser le débat et servent la soupe à tous ceux qui veulent l’éviter. Je ne suis pas convaincue que ces propos devaient être jugés par un tribunal, le parquet en a décidé ainsi.

Mais il me semble nécessaire de les soumettre à une mise en examen de conscience.

http://tenoua.org/bensoussan/ J’ai écrit cet article dans Tenoua, la revue du mouvement juif libéral de France

http://tenoua.org/bensoussan/http://tenoua.org/bensoussan/

Juifs d’Algérie engagés dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie

« Oubliés de l’Histoire »

Mon documentaire de 2011 dans la cadre de la fabrique de l’Histoire d’Emmanuel Laurentin.

 

Un documentaire de Brigitte Stora, réalisé par Anne Fleury.

En Algérie, pendant la guerre de libération nationale, des Juifs algériens se sont rangés aux côtés du FLN.

Ces enfants du pays se battaient pour une Algérie pluriculturelle et démocratique, débarrassée du joug colonial et de l’assignation à résidence communautaire, d’une « Algérie heureuse ». Quelles que soient leurs origines, ils étaient nombreux alors à partager cet espoir.

L’Algérie indépendante ne sera pas celle pour laquelle ils avaient lutté. Peu à peu ils devront quitter et leurs espoirs et leurs pays.

Ces destins orphelins n’appartiendront jamais à aucune Histoire officielle. Brigitte Stora a recueilli leurs témoignages, notre émission ambitionne modestement de réparer un peu l’outrage de l’oubli.

https://www.youtube.com/watch?v=HNfqnyFw3GM

Nos ex-Camarades par Caroline Fourest

 

Que sont mes amis devenus…
Par Caroline Fourest

stora

Il y a des époques où l’amitié peut devenir un cimetière. De la seconde Intifada à l’attentat contre Charlie et l’Hyper Cacher, combien de conversations amicales ont mué en discordes, quelque part entre Gaza, Dieudonné et « Je ne suis plus Charlie ». Et vous, combien d’amis avez-vous perdus ? Brigitte Stora les a comptés. Mieux, elle nous les conte.

Ces camaraderies gâchées par des obsessions contraires. Les mots qui se tordent, les regards qui fuient, ces visages aimés devenus fermés, ou qui se mettent à brûler d’un feu étrange. Les chaleurs, au contraire, qui s’éteignent, froides comme l’indifférence, parfois la complaisance, envers le pire : l’islamisme, le complotisme et, bien sûr, l’antisémitisme.

Cette hydre, on la voit venir de loin, mais pas toujours, quand on est juif. Il coûte beaucoup d’amis quand on est militante de gauche, juive de culture, algérienne d’origine et de tempérament, qu’on a épousé un juif marocain, grandi dans le culte de l’indépendance des anciennes colonies, qu’on a traîné ses guêtres dans toutes les manifestations antiracistes, usé le pavé avec la marche des Beurs, qu’on élève ses gosses dans un quartier populaire et mélangé, pas par mauvaise conscience, mais par appartenance à ce peuple métissé : française et juive du Maghreb, tout attaché.

Lors de la seconde Intifada, en 2000, Brigitte Stora est partie manifester pour les Palestiniens. Quelques heures plus tard, elle devait sortir des rangs de la gauche radicale, dégoûtée d’entendre « Mort aux juifs », sans que cela ne choque ceux qu’elle appelle désormais ses « ex-camarades ». Eux pensent qu’elle exagère, qu’elle en fait trop. L’antisémitisme, c’est la faute aux Israéliens et l’islamisme à l’impérialisme américain. Ils continuent de militer au nom du progrès, à la remorque de l’internationale la plus réactionnaire au monde… À force de lire Edwy Plenel, de s’indigner façon Stéphane Hessel, et de se perdre, comme toujours, avec Alain Badiou.

Trois boussoles du sud, rhabillées pour l’hiver. Avec talent, style et acuité, ce livre apporte incontestablement un nouveau chapitre, humain et intellectuel, aux alertes déjà lancées contre la gauche cédant au mieux à l’aveuglement, au pire à la tentation obscurantiste .

Entre deux pages, on se croit parfois revenu au temps des procès de Moscou et du complot des blouses blanches. Pourtant, c’est bien en France, ici et maintenant, qu’Ilan Halimi a été torturé à mort, que des enfants juifs se sont fait abattre à bout portant à Toulouse, que des juifs risquent de se faire égorger à cause de leur kippa, que les actes et propos antijuifs sont deux fois plus nombreux que les actes et propos antimusulmans, même après des attentats… Pendant que des intellectuels et des militants de gauche se demandent si les juifs n’en font pas trop, si ce n’est pas un peu de leur faute, avec tout ce qui se passe en Israël et si, au fond, les vraies victimes ne sont pas les terroristes.

Tous ne sont pas aveuglés par la peur. Certains le sont par la haine. Farida Belghoul, que Brigitte Stora a connue à l’époque de la marche des Beurs, a basculé de l’antiracisme au racisme, de « Touche pas à mon pote » à « Touche pas à mon genre », en compagnie d’Alain Soral et sa bande, avec qui elle peut enfin parler des juifs. C’est ici et maintenant.

Mais c’est ici, aussi, que les amitiés métissées de Brigitte résistent. Qu’une amie de la Guadeloupe se désespère avec elle de son fils devenu fan de Dieudonné. Que sa petite soeur afghane et ses amies algériennes, toutes réfugiées, maudissent les islamistes. Ici, dans ce pays capable de se déchirer « pour le sort d’un petit capitaine juif », que l’on peut perdre des camarades et en retrouver d’autres, avec qui bâtir une résistance fraternelle.

 

L’antisionisme, le masque de la haine, mon article du Monde du 16 mars 2016

« L’antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous », Vladimir Jankélévitch (1957)

Je pense que la haine d’Israël qui semble bien être la matrice de l’antisionisme est synonyme d’antisémitisme.
Le débat sur le sionisme eut lieu dans le mouvement ouvrier juif au début du XXe siècle. Les communistes mettaient en avant l’internationalisme, les Bundistes visaient l’autonomie territoriale et culturelle, la majorité des sionistes considéraient que le socialisme passait d’abord par la création d’une nation pour les Juifs. Si j’avais eu 20 ans en 1920, sans doute aurais-je préféré aux drapeaux et aux hymnes nationaux, la bannière rouge de l’internationalisme prolétarien… mais l’Histoire est passée par là. Ce débat est désormais caduc, il a pris fin avec la création de l’Etat d’Israël.
Israël n’est plus un rêve, c’est un pays. L’antisionisme aujourd’hui n’est pas une position théorique sur l’avenir, il est une volonté de destruction de ce qui est. Et cela n’est pas et n’a pas été sans conséquences.
On peut, et c’est mon cas, considérer avec prudence toute forme de nationalisme, y déceler le plus souvent une forme de retrait, voire d’ethnocentrisme. On peut encore et toujours espérer comme Jan Valtin  un monde « sans patrie ni frontières » mais comment expliquer ce « refus » d’un seul nationalisme, celui du peuple juif, ce rejet d’un seul Etat, Israël ?
La critique marxiste du nationalisme a fini par prendre acte de la situation des peuples opprimés, de leur légitimité à une souveraineté nationale. Or, l’antisionisme dit en creux que les Juifs, contrairement aux peuples colonisés, ne sont pas un peuple opprimé mais peut-être bien un peuple dominateur. Et la haine d’Israël renoue avec le passé, avec l’imaginaire de la domination d’un nom. C’est ce nom que vomissaient Céline, Drumont et tous les antisémites bien avant l’existence de l’État d’Israël. Israël tentaculaire, suceur de sang, tueur d’enfants, fauteur de guerres et ennemi de l’humanité, la chose n’est pas nouvelle…
J’ai longtemps milité à l’extrême gauche, l’internationalisme avait encore un sens et la rage et le dépit n’avaient pas encore supplanté la révolte. Ni le Chili, ni la Pologne de Solidarnosc, ni la lutte des Kanaks ou des Sud-Africains n’ont jamais suscité cette étrange solidarité où la haine domine. Aucune « dénonciation » d’un gouvernement ou d’un régime n’a jamais mérité un vocable particulier, aucun pays non plus n’est considéré comme un nom propre auquel on peut accoler l’adjectif d’« assassin ». Or quand on crie dans une manifestation « Israël assassin », on peut se demander qui est désigné ? Un pays, un peuple ou un fantasme ?

Que l’on songe seulement à toutes les dictatures, à tous les fascismes qui ont opprimé, tué et assassinent encore aujourd’hui… Malgré les décennies de Goulag, l’océan de morts de la Chine communiste, jamais « Russie assassine », « Chili assassin », même l’Allemagne nazie n’a jamais été affublée de cet adjectif que l’on réserve à un nom. Or seul Israël mérite un mot particulier ; le mot « antisionisme » dont la triste assonance avec le mot antisémitisme vient nous rappeler encore une fois cette mise en exception radicale que les mêmes reprochent pourtant.
L’immense majorité des Juifs partagent la réflexion de Raymond Aron après la guerre des six jours : « Si les grandes puissances laissent détruire le petit Etat d’Israël qui n’est pas le mien, ce crime modeste à l’échelle du monde m’enlèverait la force de vivre ». Ou encore celle de Hanna Arendt qui, malgré son éloignement du projet sioniste pour lequel elle avait milité, devait confier à son amie : « Je sais bien que toute catastrophe en Israël m’affecterait plus profondément que toute autre chose » (1).
Israël est le pays où beaucoup de Juifs ont une partie de leurs familles, des parents qui y sont enterrés. « Israël », c’est ce mot qui revient dans toutes les prières et qui fait de la bible une véritable « propagande sioniste ». Méconnaître cette réalité, c’est faire offense aux Juifs, à leur mémoire et à leur histoire.
En outre, c’est oublier que dans la « Patrie du socialisme », Staline remplaça le mot « juif » par celui de « sioniste ». C’est au nom de ce vocable diabolisé que se tinrent des procès en sorcellerie comme celui de Slansky en Tchécoslovaquie, en 1952, dans lequel on reprochait aux accusés « un complot trotskiste-sioniste-titiste ». Il y eut aussi « la nuit des poètes assassinés », l’exécution secrète des membres du comité juif antifasciste, puis le fameux complot des blouses blanches, tous suppôts du « sionisme ». Et plus récemment la Pologne de Moczar qui, en 68, dressait des listes de « sionistes » jusqu’à la troisième génération… Mais le nazisme avait mis la barre tellement haut qu’en deçà des chambres à gaz, il y avait comme une obscénité à parler d’antisémitisme stalinien.
L’antisionisme n’est pas la critique de la triste politique israélienne, pourtant plus que jamais légitime et nécessaire. Il vise à faire d’un pays plus petit que la Bretagne l’axe du mal, la cause du malheur du monde, rien de moins. Et il fut pour le peuple palestinien ce que la corde est au pendu : son plus sûr ennemi.
Nos antisionistes professionnels n’eurent pas une larme pour les Palestiniens martyrisés du camp de Yarmuk en Syrie. Tout entiers tournés vers leur seul « sujet », la haine d’Israël, ils ont manqué leur principal « objet » d’amour : les Palestiniens. L’antisionisme a été et demeure le plus beau cadeau jamais offert à la droite israélienne, aux partisans du grand Israël, il a alimenté les peurs ancestrales liées à la destruction, nourri le repli, la mentalité de « bunker assiégé », responsables aujourd’hui de souffrances sans nom des deux peuples condamnés pourtant à vivre ensemble, Israéliens et Palestiniens. L’antisionisme est un des malheurs des Palestiniens, peut-être aussi celui du monde musulman. Il n’a pas de légitimité théorique, conceptuelle ou politique, il est hélas le masque de l’antisémitisme.

(1) Ecrits juifs Lettre d’Hannah Arendt à son amie la journaliste Mary McCarthy

http://www.refletsdutemps.fr/index.php/thematiques/actualite/politique/monde/item/le-masque-de-la-haine