une propagande médiocre, le doc d’Arte sur l’antisémitisme

Sans l’avoir vu, il nous fallait nous indigner devant le refus d’Arte de diffuser la « vérité » sur la haine des Juifs en Europe…

Je n’ai pas participé à l’hallali, j’ai voulu le voir avant d’en parler. Ce documentaire propagandiste est accablant de médiocrité, flirtant avec le complotisme, les amalgames, les rumeurs. Terrible détournement de nom…

 

 

AMMAR AWAD / REUTERS
Le documentaire « La haine des juifs en Europe » provoque une polémique au lieu d’une réflexion.

Le documentaire (Auserwählt und ausgegrenzt – Der Hass auf Juden in Europa- Élu et exclu : La haine contre les Juifs en Europe) réalisé par les cinéastes Joachim Schröder et Sophia Hafner sera finalement diffusé.

Dans un premier temps, la chaîne Arte, n’avait pas souhaité sa programmation, suscitant de vives protestations.

Sur les réseaux sociaux et ailleurs, beaucoup s’emballèrent. Il s’agissait selon eux d’une censure visant à étouffer un sujet sensible, l’antisémitisme, sur lequel règnerait en France une forme d’Omerta. La chose étant entendue avant même d’avoir été vue…
 Bien sûr, si un certain silence n’avait pas trop longtemps été de mise, si le traitement du conflit israélo palestinien n’avait pas été si souvent partial, la susceptibilité de certains ne serait pas si grande.

Doit-on pour autant s’épargner la réflexion et acquiescer à une unanimité, toujours dangereuse ?

Le documentaire démarre par un discours de Mahmoud Abbas prononcé devant le parlement européen en juin 2016. « Certains rabbins en Israël ont dit très clairement à leur gouvernement que notre eau devait être empoisonnée afin de tuer des Palestiniens ». Il est légitime de dénoncer ce discours qui prouve, à qui en douterait, que l’imaginaire antisémite a profondément contaminé le réel. Mahmoud Abbas s’en est excusé, on peut trouver cela insuffisant… Mais choisir d’ouvrir un documentaire sur « la haine envers les Juifs en Europe » par les mots du leader palestinien n’est pas anodin.

A partir de cette scène inaugurale, dans une logique au mieux didactique, au pire propagandiste, les auteurs déroulent un argumentaire de « poupées russes ».

Le discours de Abbas est immédiatement « illustré » par celui de Julius Streicher, un idéologue nazi condamné à mort au procès de Nuremberg, ce dernier se référant lui-même à Luther …

Embarquer dans une même équipée et en moins de cinq minutes, Luther, le christianisme, les Palestiniens et le nazisme est pour le moins hâtif…

Je ne crois pas avoir mâché mes mots ni mes écrits sur l’antisionisme comme alibi de l’antisémitisme. Mais tel n’est pas l’intitulé de ce documentaire qui pourtant consacre plus d’un tiers de sa démonstration au conflit israélo palestinien. Pour les réalisateurs allemands, l’antisionisme serait le seul motif, la vraie matrice de la « haine envers les Juifs en Europe… » Ce parti pris appelle quelques réserves.

Tout d’abord, la haine antisémite des partis d’extrême droite, que le documentaire aborde si peu, n’est pas morte, loin de là… Le Jobbik hongrois, l’Aube dorée en Grèce, le FPO autrichien, le Vlaams belang flamand, revendiquant une haine commune envers les étrangers, juifs, migrants, musulmans etc. ne se réfèrent guère au « malheur palestinien », c’est un euphémisme…

Quant au discours antisioniste, il n’est guère analysé. Ce dernier affirme que l' »on déteste les Juifs à cause d’Israël ». Doit-on le croire et, pour démonter cette assertion, prendre le parti pris inverse et symétrique ? Les « coupables », ce n’est pas Israël mais… les Palestiniens.

N’y a-t-il pas, à travers un tel prisme et une telle démonstration, une tautologie grosse de risques?

Le risque de valider en les dénonçant les thèses antisionistes, de renforcer « l’alibi »?

Un documentaire intitulé « La haine des Juifs en Europe » doit-il défendre de manière unilatérale la politique israélienne?

Présenter le mur de séparation comme une nécessité indiscutable, la nakba comme un mythe ? Expliquer, contrairement à ce qu’ont écrit nombre d’historiens israéliens, qu’il n’y eut ni exactions ni expulsion des Palestiniens, réduire et renvoyer leur nationalisme à un héritage nazi…

N’est ce pas aussi une des victoires de l’antisionisme que cet acquiescement à son chantage: ou la haine d’Israël ou le soutien inconditionnel à un gouvernement et une politique injustes?

En Israël, il y eut Ytzhac Rabin et son assassin, en Palestine, il y a le Hamas, l’autorité palestinienne et bien d’autres. Mais il y aussi des femmes de toutes origines qui marchent ensemble pour la paix, des médecins qui greffent des cœurs juifs sur des enfants palestiniens et inversement… des familles endeuillées arabes et juives qui ont décidé de transformer leur chagrin en énergie de vie. Ceux-là ont depuis longtemps (contrairement à la médiocrité sans nom de leurs dirigeants respectifs) abandonné les récits épiques, le rêve assassin d’une domination et d’une légitimité unilatérale sur l’autre. Ceux-là savent la part de mensonges, d’ombre et d’omission contenue dans tout récit nationaliste. Leur existence devrait remplir d’humilité tous ces supporters des deux camps qui, épris de violence à distance, soufflent sur des braises qui jamais ne les consumer

ont… Brailler bien haut sans risques, c’est à dire sans courage. Cela oui, ils l’ont en partage…

La haine en partage

La critique de la politique israélienne par ceux qui aiment Israël au point de vouloir le sauver me paraît bien plus juste et plus inébranlable qu’un suivisme aveugle et la dénonciation de « ceux d’en face »… Elle prive les « vrais ennemis d’Israël » de leur alibi et permet d’interroger ce qui chez eux précisément déborde « excède » et qui étrangement pourtant, forme le cœur de leur passion: la haine du nom d’Israël.

Elle interpelle les « antisionistes » sur cette « mise en exception radicale » qu’ils ne cessent de dénoncer tout en en étant les plus redoutables zélotes…

Car la rage antisioniste cible à la fois Netanyahu et les travaillistes, elle souhaite boycotter indistinctement les colons, les artistes, les pacifistes…

Tout cela n’est guère abordé par les réalisateurs dont la « dénonciation de l’antisémitisme » me semble au contraire tomber là où l’on attendait sa chute. Du côté du piège de « l’exportation du conflit » à qui ce documentaire redonne vigueur et légitimité…

Car l' »exportation du conflit » est une fable dont seuls les Juifs en France semblent faire les frais… Comme si précisément cette expression était aussi une manière de ne pas nommer l’antisémitisme.

Cet étrange vocable donne de fait une « circonstance atténuante » aux crimes antisémites, les parant d’une vertu à laquelle ils ne sauraient prétendre.

Peut-on admettre que c’est par « compassion » envers les Palestiniens que Merah a assassiné des enfants juifs? Que Coulibaly a assassiné des clients d’un magasin cacher? Répondre « Israël » quand ils parlent « Palestine », n’est-ce pas courir le risque de valider leur alibi?

Dans le discours jihadiste mais aussi fasciste voire, comme dans le passé, dans le discours stalinien, c’est la haine des Juifs qui est nodale, le nom d’Israël n’est qu’un prétexte.

On ne hait pas les Juifs à cause d’Israël, on hait peut-être Israël parce qu’on déteste les juifs.

Une œuvre documentaire ne doit-elle pas susciter réflexions, interrogations, et se méfier d’un discours de propagande pro israélienne dans lequel, pourtant, les auteurs doucement, s’enlisent.

Il me paraît hasardeux de rétrécir le champ de la réflexion sur cette haine farouche et ancestrale en choisissant d’ouvrir grandes les portes d’une inévitable polémique.

Si beaucoup de choses incontestables sont toutefois dites dans ce documentaire, les approximations trahissant un point de vue idéologique sont hélas aussi présentes …

Ainsi ce ne sont pas des « immigrés musulmans », comme le dit bien hâtivement le commentaire, qui ont séquestré puis assassiné Ilan Halimi, la plupart des membres du gang des Barbares n’étaient ni l’un, ni l’autre…

Les supplices infligés au jeune Ilan sont bien assez atroces, me semble t-il, pour ne pas en inventer d’autres, aussi sordides qu’imaginaires…

La haine envers les Juifs est chose sérieuse, elle doit être combattue, dénoncée, son discours, analysé, démonté. On ne peut pas prendre le risque de la réduire à une opinion sur un conflit.

On me dira qu’on a vu, même sur le service public, des reportages et documentaires unilatéraux, entièrement à charge contre Israël, reprenant sans jamais le contredire, le seul récit palestinien. Pourquoi pas un documentaire « pro-israélien »?

Ce triste argument peut peut-être s’entendre, à moins de considérer que ces visions unilatérales auront fait beaucoup de mal… Qu’elles auront contribué à émousser l’esprit critique, le rapport à l’Autre,

à son histoire, à sa souffrance jusqu’à « convertir » beaucoup en adeptes d’une pensée populiste, conspirationniste voire xénophobe. Pensée qui, bien plus surement encore que le conflit israélo palestinien, constitue une des matrices de cette haine si singulière.

 

 

 

2 réflexions sur “ une propagande médiocre, le doc d’Arte sur l’antisémitisme ”

  • 23 septembre 2017 à 11 h 00 min
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