Déboussolés

DÉBOUSSOLÉS

Mardi 2 octobre 2018 par Brigitte Stora, Journaliste et documentariste
Publié dans Regards n°1030

On dit que la boussole indique le Nord, mais tout dépend finalement de la manière de la tenir, car pour ne pas perdre le Nord, il faut qu’il y ait un Sud. De même qu’il nous faut garder notre Orient au risque d’être totalement désorientés…

Il faut aussi sans doute se méfier des sens uniques et obligatoires. « Ne demande jamais ton chemin à celui qui le connaît. Tu risquerais de ne pas t’égarer », prévenait Rabbi Nahman de Bratslav. On peut toujours avec lui préférer les chemins écartés… Car la seule boussole qui puisse nous empêcher de nous perdre, ce sont nos valeurs.
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Une tribune immonde

 

 Une Tribune immonde

 Un article odieux est paru sur Tribune juive. Son titre : 

 « Entre nous, qui pense vraiment que ces migrants sauvages franchissant les frontières (Ceuta, Espagne) vont devenir des bons Européens ? » *

Probablement encouragée par les propos toujours plus ostracisants sur les réfugiés, l’immigration, l’islam etc. d’une certaine presse communautaire, l’auteure s’est senti pousser des ailes au point de larguer définitivement les amarres. 

Le mot « sauvage », rescapé de la prose colonialiste et raciste, revient sans vergogne. 

Ainsi les réfugiés seraient des « sauvages qui se sont déjà rendus coupables d’actes de barbarie, de prises d’assaut, de franchissement illégal de frontières, prêts à tout, même à tuer, attaques au couteau, agressions gratuites, assassinats, crimes terroristes… »

La menace d’un coup d’Etat fasciste y est à peine voilée :  

 « Aucun des partis actuels ne semblant capable d’appliquer une telle politique, ni même de l’envisager, il y aura donc inéluctablement l’apparition de mouvements, peut-être déjà en gestation, qui surgiront et répondront aux attentes des Français. Et qui ne passeront peut-être pas par des voies entièrement démocratiques. »

 Cette prose nauséabonde nous rappelle celle des annnées 30. «

« Sommes-nous le dépotoir du monde ? Par toutes nos routes d’accès coule sur nos terres une tourbe de plus en plus grouillante, de plus en plus fétide. C’est l’immense flot de la crasse napolitaine, de la guenille levantine, des tristes puanteurs slaves, de l’affreuse misère andalouse, de la semence d’Abraham et du bitume de Judée, …Doctrinaires crépus, conspirateurs furtifs, régicides au teint verdâtre, pollacks mités, gratin de ghettos, contrebandiers d’armes, pistoleros en détresse, espions, usuriers, gangsters, marchands de femmes et de cocaïne… ceux-là ne cessent d’insulter à notre patriotisme » écrivait Henri Béraud dans Gringoire en août 1936.

Depuis toujours le fascisme a dénoncé dans des termes orduriers, l’« invasion » des immigrés, des Juifs et autres métèques. Le style aussi est une signature, ce fameux « entre nous » aux relents céliniens qui annonce la connivence complice, requiert la meute et en appelle à la chasse. Un « Entre nous » qui signe une sortie de la clandestinité d’une pensée honteuse vers l’affranchissement d’une parole raciste. Un peu comme les propos de Le Pen qui se vantait de dire « tout haut ce que tout le monde pense tout bas ». 

Rien n’a changé, à part la stupeur de constater que cette terrible prose a pu trouver asile dans un hebdomadaire nommé « Tribune juive ». 

Cet « entre nous » assassin n’est pas le nôtre. 

Un « entre nous » sans nous 

Voilà des mois et des années que l’on assiste à une contamination sans précédent de thèses et des valeurs d’extrême droite au sein de ce qu’on appelle la « communauté juive ». 

L’alibi de la « lutte contre l’antisémitisme » tout comme la défense des droits des femmes, la dignité des homosexuels, voire la laicité semblent avoir vaincu les réticences de beaucoup. Il s’agit pourtant d’autant de chapardages décomplexés d’une famille politique dont toute l’histoire, tant ancienne que récente dément pareilles prétentions.

Nous sommes nombreux à vivre dans la douleur et le désarroi cette descente aux abimes. La misanthropie voire le racisme affichés d’une certaine presse et d’ « intellectuels communautaires », tout cela dans le silence bienveillant d’institutions qui entendent parler en notre nom, est révoltante. Comme nous révolte l’amitié affichée entre Trump, Nethanayu et Viktor Orban ou encore la défense belliqueuse et inconditionnelle de la politique du gouvernement israélien que nous sommes nombreux à réprouver. 

L’auteure de cet article abject ne mérite sans doute pas de sortir de l’anonymat, pas plus que le confidentiel « Tribune juive » qui désormais ne devrait plus servir à autre chose qu’à emballer le poisson. 

 Toutefois la parution dans un journal juif d’une telle obscénité ne peut pas nous laisser indifférents. 

Il a fallu bien des dérives pour en arriver à un tel naufrage.  

Le repli communautaire encouragé par les réseaux sociaux et son « entre soi » toujours mortifère les a permises ; paroles essentialisantes, déshumanisation de l’Autre, affranchissement des « tabous », partage sans vergogne de sites et de thèses d’extrême droite. 

Le racisme et l’extrême droite, c’est un peu comme l’antisémitisme quand on n’est plus capable de les reconnaitre, c’est qu’ils sont bien installés.  

 Que l’on soit né sur ses rives ou pas, comment ne pas pleurer en pensant que la méditerranée est devenue un grand cimetière ? Face aux Aquarius errants et aux naufrages en mer, comment ne pas penser à l’Exodus, à
« Welcome in Vienna »,
à ce monde qui se ferme comme il s’est fermé jadis, à nos aïeux dont beaucoup furent eux aussi des « sans papiers ». 

 « Je suis juif, parce qu’en tous lieux où pleure une souffrance, le juif pleure. Je suis juif parce qu’en tous temps où crie une désespérance, le juif espère. » fut la définition de Edmond Fleg en 1928, dans Pourquoi je suis juif. 

Longtemps, cet humanisme a fait notre fierté, il était notre fidélité à nos anciens en même temps que la condition de la transmission. 

 Car de quelles valeurs pourront se réclamer les nouvelles générations si nous restons silencieux face à ce flot de haine, face à un tel naufrage ? 

Moins mortel que celui des hommes, des femmes et des enfants qui chaque jour se noient en mediterranée, (3200 d’entre eux ont péri l’an dernier), ce naufrage risque bel et bien d’en finir avec l’humanisme juif et son désir de justice qui pendant des siècles d’épreuves et d’hostilité avait pourtant résisté. 

Même après la Shoah, les Juifs n’avaient pas sombré dans la haine des Autres. Longtemps, le malheur juif servait de repère intime, de boussole face au malheur du monde. L’injustice et l’oppression subies par d’autres étaient autant de convocations à la solidarité. Comme si les Juifs ayant vécu l’abandon du monde ne pouvaient pas à leur tour reconduire cet abandon. Lutter contre l’antisémitisme, n’est-ce pas aussi aussi préserver, malgré lui et contre lui, des valeurs et une éthique qui nous ont maintenu vivants. L’abdication de ces valeurs n’est-elle pas une des plus belles victoires de l’antisémitisme ?

Si les lois du Sinaï ont été brisées par les nouveaux idolâtres du Grand Remplacement, il existe les lois de notre république et celles de la déclaration universelle des droits de l’homme, tout aussi sacrées . « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

Les propos racistes méritent le tribunal, quant aux auteurs et relais de cette pensée mortifère, qu’ils ne parlent plus en notre nom. Ce nom qu’ils salissent et trahissent à longueur de tribunes haineuses et racistes et d’alliances contre nature. Car ce nom est aussi le nôtre, celui qui n’a pas oublié l’injonction biblique à se souvenir de l’exil et qui continue d’écouter cette parole : « Tu aimeras l’étranger comme toi-même, car tu as été étranger en terre d’Egypte ».

Que ces fossoyeurs fassent donc silence. Car ils ne devraient plus pouvoir compter sur le nôtre.

Brigitte Stora

 http://www.tribunejuive.info/international/entre-nous-qui-pense-vraiment-personne

Combattre l’antisémitisme, défendre nos valeurs

https://www.facebook.com/combattreantisemitisme/

Le 21 avril dernier, une tribune signée par 250 personnalités a été publiée dans le Parisien.

http://www.leparisien.fr/societe/manifeste-contre-le-nouvel-antisemitisme-21-04-2018-7676787.php

On me l’avait soumis mais la petite musique identitaire m’a tout simplement assourdie. Sur Facebook, je publiais cette mise au point avant de décider de me joindre à un autre appel.

« Pourquoi je n’ai pas signé.

Il est plus que temps de parler de l’antisémitisme. La plupart des signataires sont respectables et l’ont fait de bonne foi. Toutefois j’ai refusé d’apposer mon nom à un texte qui parle aussi légèrement d’ « épuration ethnique ». Ce texte m’a gênée tant il me semble reconduire une petite musique identitaire …Autant  ne pas parler de l’antisémitisme musulman me semble relever d’une coupable complaisance dont les juifs ont largement fait les frais. Mais ne parler que de lui c’est prendre le risque d’une essentialisation dangereuse. L’injonction faite aux « musulmans » à modifier leur Coran me parait à tout le moins d’une étrange et confondante « naïveté »…En outre cela risque de « blanchir » l’antisémitisme qui ne se réclame pas de l’islamisme. 

Il est tout de même étonnant que les principaux vecteurs de l’antisémitisme en France (Soral et Dieudonné) ne soient même pas mentionnés. Ni eux, ni Orban ni l’extrême droite antisémite qui partout en Europe relèvent la tête… ne correspondent à ce concept de « nouvel antisémitisme » dont on peut d’ailleurs interroger la pertinence…   

1) La lutte contre l’antisémitisme ne se réduit pas (dans tous le sens du terme) avec la lutte nécessaire contre l’islamisme 

2) La lutte contre l’islamisme ne peut se faire sur la base d’une croisade de l’occident chrétien. Au contraire les deux se renforcent ! Toute ambiguïté  affaiblit le nécessaire combat unitaire et démocratique.

En hébreu comme en latin  le bien dire se dit bénédiction, le mal dire « malédiction »

Il y a bien des noms que je respecte, d’autres aux côtés desquels je ne me tiendrai jamais.

 

ma fiction sur Manouchian et l’affiche rouge

https://www.franceinter.fr/emissions/autant-en-emporte-l-histoire/autant-en-emporte-l-histoire-13-mai-2018

Ils s’appelaient Witchitz, Rayman, Alfonso, Manouchian, Wajbrot… Des noms et des visages qu’en février 1944, les Français découvrirent sur la célèbre Affiche rouge, placardée par les nazis pour effrayer la population…

Détail d'une reproduction de "L'affiche rouge" placardée par la propagande allemande. Elle présentait les portraits de dix résistants
Détail d’une reproduction de « L’affiche rouge » placardée par la propagande allemande. Elle présentait les portraits de dix résistants © AFP / AFP

Ces condamnés à mort étaient jeunes, souvent très jeunes… Étrangers pour la plupart… Fuyant les persécutions antijuives et le fascisme, ils étaient arrivés en France, pleins d’espoir en la patrie des droits de l’homme… Mais quand en 1940, elle a été envahie par les nazis, et l’URSS à son tour l’année suivante, ces jeunes communistes n’ont pas hésité à prendre les armes.

Sabotages, déraillements de trains, exécutions de militaires nazis… D’une audace folle, ces résistants des FTP-MOI (la main d’œuvre immigrée) commettent en 1943, en région parisienne, pas moins de 92 attentats en l’espace de six mois… Une provocation insupportable pour les polices françaises et allemandes qui en novembre finiront par les arrêter et les faire condamner à mort.

Les noms de ces héros, morts pour la France, ont longtemps été oubliés, voire occultés. C’est à travers les yeux du chef de ce réseau que je vais raconter leur histoire : Missak Manouchian, poète et résistant.

L’invitée

Notre invitée est Annette Wieviorka, historienne, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et de l’histoire des Juifs au XXe siècle, auteur du livre, Ils étaient juifs, résistants, communistes, à paraître le 23 août prochain aux éditions Perrin (édition remaniée).

La fiction

Missak Manouchian, au nom des autres, une fiction de Brigitte Stora, réalisée par Michel Sidoroff.

 

 

Répondre de frère Tariq Ramadan

http://www.huffingtonpost.fr/brigitte-stora/lautre-proces-qui-devrait-etre-intente-a-tariq-ramadan_a_23365111/

 

Frère Tariq Ramadan, l’autre procès

Cette mise en examen de conscience concerne la complicité, voire la collaboration avec une formidable machine de guerre menée par lui au nom des Frères musulmans.

19/02/2018 09:42 CET | Actualisé 19/02/2018 10:23 CET

MIKE SEGAR / REUTERS
L’autre procès qui devrait être intenté à Tariq Ramadan.

Cette époque est étrange. Il semble que l’intransigeance envers certain.es soit à la démesure de l’indulgence qui fut accordée à d’autres.

Comment s’offusquer de la propagation dans notre jeunesse d’une parole conspirationniste islamiste alors même que pendant près de 20 ans, des medias, des « intellectuels » l’ont encensée?

Avant de s’en prendre en masse, voire en meute, à des jeunes; chanteuse, mannequin, humoriste, qui ont relayé ses paroles et sa pensée, il est peut-être temps d’interroger ceux qui ont contribué à la fulgurante ascension de frère Tariq Ramadan.

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l’envie de Johnny

http://www.huffingtonpost.fr/brigitte-stora/l-envie-de-johnny_a_23307081/

 

 

PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS
L’envie de Johnny
 Adieu donc mon Johnny, la terre que tu habitais se moquait des souches et des racines, qu’elle te soit légère.

On peut se déhancher avec Johnny et communier avec Ferré. On peut aimer Levinas et MC Solaar, on peut être plusieurs, multiple et contradictoire bref on a le droit d’aimer la vie.

Johnny Hallyday, je l’aimais depuis toujours, follement autant que secrètement et comme des millions d’autres, je viens de perdre un proche. On ne décrit pas l’amour, on se contente de le vivre.

 

 Johnny parlait peu, ses fans ont peu écrit. Beaucoup de gens, ces derniers temps, ont ressenti ce sentiment étrangement familier de l’avoir toujours connu, avec toutes ses chansons qui depuis plus de cinquante ans nous ont accompagnés. Beaucoup ont dû hésiter entre le regret de ne l’avoir pas aimé à hauteur de son talent et le rejet hautain de cette « idolâtrie » dans laquelle ils n’ont jamais versé.
Il y a souvent quelque chose de commun chez ceux qui n’aiment pas Johnny, quelque chose qui n’a rien de Tennesse: ce sont des peine à jouir qui ont le mépris de classe affiché, la satisfaction aigrie de ceux qui tiennent leur vengeance quand le talent et la beauté se paient d’un peu d’ignardise. A droite comme à gauche, ils se ressemblent. Du côté des amoureux de Johnny, il y a d’autres choses en commun; ce sont les prolos qui aiment l’Amérique, ceux qui ne confondent pas l' »anti-impérialisme » avec la jalousie envers Fred Astaire, ceux qui trouvent sympa qu’un des leurs se paie une belle bagnole, quitte à flamber toutes ses économies. Parce que la vie est courte et fragile et qu’elle ne vaut que si l’on garde en soi une part de ses rêves d’enfant. Du côté de Johnny, de Memphis, de Springsteen ou de Jimi Hendrix, on ne s’économise pas, on aime la frime, la fête et la démesure. Ce sont des humbles sans haine qui rêvent de lumière et qui se satisfont quand de la poussière d’étoile vient éclairer un peu de leur quotidien. Johnny était leur étoile. Notre étoile.

Johnny, c’était un petit Edith Piaf au masculin. C’était cette virilité fragile, le charme des loubards au cœur tendre, celui qui fait craquer les filles… C’était une générosité sans nom, des mots qu’il n’arrivait pas toujours à dire mais qu’il interprétait si bien. C’était l’enfance jamais guérie, cette si commune souffrance en partage. C’était ces concerts où il se donnait à fond, aussi fort dans une petite salle de province qu’à Bercy ou au stade France. Et quand d’une manière pudique, intime et maladroite, il nous disait : « Je vous aime », chacun d’entre nous le recevait en plein cœur comme une vraie déclaration. On a tous une histoire particulière, unique avec Johnny, de celles qu’on ne raconte pas toujours…

Pour moi, il fut mon tout premier amour. Sur le poster, il avait sa petite gueule d’ange, son béret de l’armée et une dédicace: « l’idole des Jeunes ». Il était agrafé au mur au dessus de mon lit à barreaux, chaque soir, je l’escaladais dangereusement pour lui coller un bisou sur la bouche ! Aucune « transgression » n’a jamais eu depuis un goût aussi exquis…

Johnny, c’était le mépris face au racisme et à toute forme d’ostracisme, qu’il concerne les Noirs, les Juifs, les Roms ou les homos… Je me souviens de sa présence devant l’ambassade d’Israël en 67, à l’époque il ne s’agissait pas de défendre une politique belliqueuse mais d’empêcher qu’un petit pays aussi jeune que ses fans puisse un jour disparaître. Johnny et Sylvie ont appelé leur fils David, ce prénom de roi est sorti du ghetto, a retrouvé sa gloire passée. Et ça aussi, c’était un bien joli cadeau.

Johnny chantait l’amour mais aussi la dignité : « je voudrais que mon fils vive mieux que moi, qu’on le respecte mieux, qu’on le vouvoie, qu’il ait des papiers d’identité à perpétuité ». Il était de ces « mal nés » qui ont une revanche à prendre sur la vie. Une revanche, pas une vengeance.

Il nous a accompagnés toute notre vie, toutes nos vies. Alors je suis allée devant la madeleine, serrée au milieu de la foule des anonymes, de son public aimé. J’ai mis une robe de cuir rouge pour l’occasion, (comme un fuseau, chantait Léo) mais là c’était d’abord pour Johnny.

Là flottait dans l’air, cette bonté à faire pâlir de honte nos pauvres commentateurs qui n’ont plus que la rancœur à s’offrir en partage.

Des sourires, des chansons que nous avons reprises, des larmes parfois. Mais surtout cette conviction tranquille de dire adieu à un proche, qui nous rendait complices. Personne pour vous refuser son feu ni s’indigner que votre fumée lui pompe un peu de son air, ici on savait que l’air et le ciel appartiennent à tous et que la véritable injustice, la laideur suprême, c’est de croire le contraire.

« Pas de métèques » a entonné le chœur des aigris qui n’étaient pas là, dieu merci, mais qui l’ont « vu à la télé ».

Nul doute que les jaloux et les mesquins disparaitront plus vite que Johnny…

Pas de « non-souchiens »? Selon la sinistre expression, désormais partagée, des identitaires obsédés. C’est à voir… Bien sûr, la génération yéyé en comptait moins qu’aujourd’hui. Pourtant dans les années soixante, les Noirs et les Maghrébins étaient là déjà et ils aimaient la musique… Ils ne bénéficiaient alors d’aucune reconnaissance spécifique, de celle qui aujourd’hui semble s’acquérir à coup d’exotisme. A la Madeleine, beaucoup étaient là aussi, méconnaissables aux yeux des identitaires bien nés qui ne les reconnaissent qu’affublés de foulard ou de casquette à l’envers. Pour mieux les aimer ou mieux les haïr.

Dans les années soixante, ces tristes expressions auraient fait rire ceux qui rêvaient d’Amérique, de ces « mains noires qui donnaient le jour au blues », ceux qui dans la musique et dans leur vie se cherchaient passionnément des métissages heureux.

En 1963, j’ai vu Johnny en concert à la Nation. Souvenir magique, vue imprenable parce que juchée sur les épaules de mon père…

Mes parents, n’étaient pas des « souchiens » mais des Juifs d’Algérie débarqués à peine un an plus tôt. On l’a un peu oublié mais le rêve des yéyés ratissait large, il offrait un monde à ceux qui n’en avaient pas.

Adieu donc mon Johnny, la terre que tu habitais se moquait des souches et des racines, qu’elle te soit légère.

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Sarah Halimi le meurtre en question

http://www.cclj.be/actu/politique-societe/sarah-halimi-meurtre-en-question

L’OPINION DE BRIGITTE STORA

SARAH HALIMI, LE MEURTRE EN QUESTION

Mardi 3 octobre 2017 par Brigitte StoraJournaliste et documentariste
Publié dans Regards n°869 (1009)

L’antisémitisme nous menace physiquement, affectivement, idéologiquement. L’extrême droite propose la haine et l’on assiste un peu partout à une chute tant éthique qu’intellectuelle. Il est peut-être temps d’exiger un partage de nos chagrins et de notre colère. La requalification du meurtre de Sarah Halimi permettra peut-être enfin d’aborder ces questions loin du déni, du silence et du fracas. Lire la suite

Comment Shlomo Sand s’est inventé

C’est en 2008 que l’historien israélien, Shlomo Sand s’est fait connaître avec la parution d’un livre au titre évocateur : « L’invention du peuple juif ».  Plus tard, il écrira :  « Comment la terre d’Israël fut inventée » et enfin « Comment j’ai cessé d’être juif » ajoutant
« Supportant mal que les lois israéliennes m’imposent l’appartenance à une ethnie fictive, supportant encore plus mal d’apparaître auprès du reste du monde comme membre d’un club d’élus, je souhaite démissionner et cesser de me considérer comme juif. » 

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